Petit réalisateur deviendra grand. C'est le pari de la sélection "Coup de pouce" du Figra. Un jury de professionnels a sélectionné cinq projets de documentaires parmi 45 candidatures. À la clé pour ces jeunes auteurs : une aide à la réalisation d'une valeur de près de 10.000 euros. Vendredi après-midi, les cinq lauréats sont passés à la moulinette des questions du jury. Un "grand oral" d'autant plus stressant que dans la salle, quelques producteurs attendent d'être séduits par un film.
Christophe Leroy ouvre la séance. Avec les deux autres membres de l'association "La troisième porte à gauche", il souhaite réaliser un documentaire sur les habitants de "Fan Nabara". Depuis que leur village est devenu une réserve de la biosphère, ces Sénégalais se retrouvent confrontés aux contradictions du développement durable. Entre lutte pour la survie et protection de la nature.
Le jury est séduit, mais il reproche aux trois jeunes réalisateurs leur absence de positionnement. "Ce qui est neutre n'a pas de goût", soutient Christian Le Peutrec, producteur de Mano a Mano. "Qu'est-ce qui fait briller l'œil qui regarde dans la caméra ?", ajoute-il, précisant que cet œil "n'illustre pas mais anime les séquences".
À l'issue de leur passage, Christophe Leroy et Adrien Camus regrettent de s'être "compromis sur le dossier". "On a voulu faire une présentation trop carrée, trop universitaire. On a perdu l'âme de notre film", reconnaît Adrien. Visiblement, le jury a su soulever les bonnes questions.
Aurélie Berthier leur succède. À 42 ans, elle rêve de tourner "L'Ivresse du silence", un documentaire sur la dépendance alcoolique. Pour une fois, ce thème est abordé positivement, à travers la parole de personnes qui ont réussi à proscrire l'alcool de leur vie. "Ce sujet serait plus facile à traiter en radio, plaisante Jean-Luc Liout de l'université de Provence, j'ai peur que ça ne soit un film bavard." La réalisatrice s'était préparée à cette question. "J'ai déjà tourné des images de témoignage, et cela fonctionne très bien."
Sûre d'elle, Aurélie dit avoir passé un bon moment avec le jury : "Je ne savais pas à quoi m'attendre, j'ai essayé de raconter mon film comme je peux, je suis restée moi-même."
Rémi Borel prend sa place. L'ancien journaliste de presse écrite désire recueillir le témoignage des habitants de Rosans. Ce village de la région PACA se distingue par la présence d'Harkis et d'enfants de Harkis au sein de la population aujourd'hui métissée. Une réalité particulière que Rémi souhaite évoquer à travers la description, par les Rosanais eux-mêmes, de saveurs et d'odeurs chargées d'histoire. Christian Le Peutrec lui pose alors la question inévitable : "Pourquoi passer au documentaire alors que vous êtes un journaliste de presse écrite ?" Du tac au tac, Rémi explique que c'est "moins les choses qui se sont passées que la manière dont elles ont été vécues" qui l'intéresse.
"Je me suis senti comme à l'oral du bac de français, s'amuse le jeune réalisateur à la sortie, j'étais intimidé au début puis je me suis mis dedans et la pression est partie." L'épreuve s'est "plutôt bien passée" selon lui.
C'est au tour de Dorine Brun qui déploie une carte d'Italie et un plan de Palerme face au jury. Son projet, "Via Via", consiste à questionner "cette petite pièce" extorquée par les parcheggiatori de Palerme aux automobilistes. Ces gardiens de parking occupent les six places du centre de la ville. Ils racontent, au niveau local, "tout un système global", celui de la mafia et de son impôt illégal, le pizzo. Emmanuelle Demolder, chargée des productions CRRAV, s'inquiète : "Pourquoi suivre quatre ou cinq parcheggiatori et pas un seul ?". "Parce que j'ai peur de ne miser que sur un !", réplique la jeune trentenaire. Marco Nassivera d'Arte la met en garde. Il faudra obtenir les autorisations de filmer et être capable de décoder les propos des "finauds" parcheggiatori.
Dorine se dit un peu frustrée de ne pas avoir eu plus de temps avec le jury. "C'est un exercice essentiel, explique-t-elle, il permet de rencontrer les producteurs et de se confronter aux réalités du marché audiovisuel."
Rémy Jantin ferme la marche avec son projet "L'Or vert ou le khat à Madagascar". Avec timidité, il explique qu'il souhaite tourner un documentaire sur une plante hallucinogène originaire de la corne de l'Afrique, le khat. Les Malgaches en consomment ouvertement et de plus en plus. Le jury ne saisit pas vraiment où Rémy veut en venir. Réponse de l'intéressé : "Je souhaite simplement aller contre les a priori sur les drogues."
"Je me suis mal exprimé, confesse-t-il, j'ai été surpris par les questions du jury. Il m'aurait fallu plus de temps, plus d'intimité." Inspiré par cette expérience qu'il juge cependant "très positive", Rémy s'apprête à se remettre au travail.
Annonce du lauréat Coup de pouce 2008 samedi soir.
Nathalie Gros
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