Hind Meddeb, 29 ans, a réussi à faire parler devant la caméra les habitants du bidonville Thomas, à Casablanca, d'où viennent les 11 kamikazes qui ont commis les attentats du 16 mai 2003. Elle raconte comment elle a pu obtenir leurs explications sur cet événement pour son documentaire "De Casa au paradis".
Quel a été le point de départ de votre enquête?
Ma mère est marocaine, et je vais au Maroc tous les étés depuis mon enfance. J'ai été choquée par ces attentats et j'ai ressenti le besoin de comprendre. Dans une fête, j'ai rencontré Abdallah Tourabi, un étudiant en sciences politiques qui a fait une enquête sur ces attentats. Elle était écrite comme un roman policier: il avait pu mettre beaucoup de détails, car il venait d'un bidonville. J'ai eu envie d'en faire un film. Il nous a mis en contact avec Abdelkrim, un journaliste qui a grandi avec les kamikazes et qui apparaît dans le film. Nous sommes donc partis là-bas en août 2006.
Comment avez-vous été accueillis?
La grande difficulté a été de faire parler les gens devant la caméra. On voulait une parole libérée, pas de caméra cachée, ni d'interviews floutées. Alors on est repartis au bout d'un mois avec beaucoup de témoignages en off, mais peu d'images. On est donc revenu l'année suivante et ils ont été impressionnés par notre ténacité. Du coup, certains ont accepté de parler devant la caméra, comme Jawad, qui nous avait déjà raconté son histoire en off. Il est allé clandestinement en Europe avant de se faire expulser et de se tourner vers l'islam radical, comme deux des kamikazes. Mais il a refusé que sa sœur soit filmée.
Pourquoi refusent-ils d'être filmés?
Dans le bidonville, il y a beaucoup d'indics et de caïds. Se faire suivre par une caméra, c'est comme se taper l'affiche, c'est mal vu. Et puis ils en avaient marre d'être stigmatisés à cause des attentats. Après les attentats, certaines mères des kamikazes ont perdu leur travail. Ils avaient peur des arrestations, qui ont été très nombreuses. Notre force a été de venir trois ans après, alors que les choses étaient un peu retombées. Nous étions aussi une équipe très soudée, et ils l'ont senti. Nous avions 25 ans de moyenne d'âge et grâce à ça, nous avons pu nouer des liens avec les jeunes.
Propos recueillis par Anne-Gaëlle Besse.
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